Ange 50 ans – Aux origines de la sonorisation

par | 10 Mar 2022 | Reportage Son

AVEC CHRISTIAN DÉCAMPS

Le groupe Ange s’est formé fin 1969 à l’initiative de Jean-Michel Brézovar et Christian Décamps. Cumulant six disques d’or, ayant vendu plus de six millions d’albums et donné des milliers de concerts en France comme à l’étranger, Ange rencontre le succès au moment de l’éclosion de la sonorisation. Si les musiciens du groupe ont changé depuis les origines, Christian en est toujours le chanteur. Et nous sommes allés le rencontrer pour évoquer cette époque de pionniers.

SONO Mag : Christian, pouvez-vous nous décrire une scène de concert d’Ange dans les premières années du groupe ?

Christian Décamps : Nos premiers concerts datent du début 1970. Le 31 janvier, nous avons joué au centre culturel de la Pépinière, à Belfort. C’était la création d’un opéra d’une durée de trois heures intitulé La Fantastique Épopée du général
Machin. Nous sommes arrivés avec nos instruments. Je jouais sur un orgue Hammond L’127, que j’amplifiais sur scène avec un Vox Basse, un ampli extraordinaire et très polyvalent.
C’est avec le Vox Basse que j’ai pu commencer à expérimenter des recherches sonores. J’avais entre autres trouvé que je pouvais le faire saturer en poussant à fond le niveau d’entrée et en baissant la sortie. J’utilisais cette technique pour faire sonner l’orgue comme des cuivres, pour le titre « Exode » par exemple.
Au fil des dates, on s’est trimbalé de scène en scène avec nos claviers monumentaux. Mon orgue Hammond avec son pédalier ne pesait pas loin de 200 kg ! Nous cherchions des idées pour nous faciliter la manutention. Mon frère Francis jouait quant à lui sur un orgue de marque Viscount, un vrai meuble également. Il l’avait coupé en deux pour qu’il soit transportable mais n’a jamais ensuite réussi à le remonter correctement. Le vibrato était devenu extrêmement lent et cela produisait un son unique que beaucoup de groupes ont essayé de reproduire sans jamais y arriver. L’époque était à l’expérimentation et au hasard de la découverte.
C’était avant que n’apparaissent les synthés comme les Crumar ou les Elka Rhapsody, mais aussi les Mellotron. Dès qu’on en a eu les moyens, on a acheté beaucoup de ces instruments.
Pour les guitares, on avait des amplis à lampes Manhattan à deux corps, qui cramaient au bout de quatre concerts. Nous avons vite basculé sur des Hiwatt, et les avons aussi utilisé pour les claviers.
Pour les voix, on se débrouillait comme on pouvait, en fonction du matériel disponible, souvent des petites colonnes comme celles que l’on voit dans les églises en renfort sonore.

SONO Mag : En 1965, les Beatles jouaient au Shea Stadium devant plus de 55 000 spectateurs avec une série de colonnes posées entre la scène et le public comme seule sonorisation des voix. Les artistes comme le public ont ensuite admis n’avoir rien perçu des voix durant le concert. Pour Ange, qui se préoccupait de ce qu’entendaient les spectateurs dans la salle ?

C. D. : Honnêtement ? On s’en fichait totalement. On faisait notre truc et, de toute façon, on n’avait pas les moyens de faire autrement.
Contrairement à d’autres groupes comme par exemple le groupe Magma, qui comptait de véritables musiciens et qui est avec Ange le plus ancien groupe français en activité, notre groupe était constitué d’autodidactes. On apprenait la musique au fur et à mesure que l’on jouait. Pour le son aussi, on cherchait, on bidouillait en permanence. Ce qui nous intéressait, au final, était de se différencier des autres groupes. Mais la démarche était spontanée, sans calcul aucun.
Parmi nos diverses expériences en studio, à Hérouville, au studio des Dames, à Ferber… Nous avons enregistré à Davout l’album Caricatures, en 1972, avec comme ingénieur du son René Ameline. Il était très gentil avec nous. Un jour, il nous a dit :
« Il y a quelque chose d’incroyable avec le son d’Ange. Quand on écoute chaque piste une par une, on est convaincu que ça ne fonctionnera jamais. Quand on ouvre toutes les tranches, tout devient évident et s’accorde. »
Pour revenir aux concerts, on était conscients qu’il serait pas mal d’évoluer côté diffusion du son. En 1973, l’un de nos premiers achats dans ce domaine a été un pré ampli avec cinq entrées, auxquelles on reliait les micros chant. Ce préampli alimentait une console Freevox, branchée à des enceintes amplifiées, toujours sous la forme de colonnes. Chaque instrument était toujours relié à son propre ampli sur scène, sans passer par la sono, mais nous pouvions avoir une certaine autonomie sur la maîtrise de notre son de voix.
Nous avons ensuite remplacé notre console Freevox par un modèle Golden Sound, c’était à l’époque le mixeur de référence des orchestres de bals.
Nous n’avions aucun retour sur scène. Pour le son des instruments, nous entendions directement ce qui sortait des amplis.

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