L’histoire de SONO Mag, depuis 1976

L’histoire de SONO Mag, depuis 1976

Éric Moutot

Coordinateur technique

La genèse d’un magazine qui vient de fêter ses 40 ans, écrite avec la complicité de Jean-Pierre Reiter.

La Vie parisienne, datée de février 1876.

Remontons le temps

En 1969, Jean-Pierre Reiter, fringuant jeune homme, intègre les équipes des Publications Georges Ventillard. Les PGV sont devenues un véritable empire né de l’énergie de Georges Ventillard, modeste vendeur de journaux à la criée au début du XXe siècle, qui crée en 1914 l’Agence parisienne de distribution, qui deviendra un groupe de presse dans les années 1930, époque où il achète les magazines Système D, Les Pieds Nickelés ou encore l’Almanach Vermot.

L’entrepreneur va ensuite fonder Transport Presse, une société de messagerie, puis acquérir La Vie parisienne, un magazine culturel fondé en 1863. Lorsque Georges Ventillard décède en 1960, c’est son fils Jean-Pierre, âgé de 26 ans, qui prend la relève.

Le Haut-Parleur d’octobre 1946. À la une, le téléphone portable…
Et c’est sous l’impulsion de ce nouveau dirigeant que le groupe va s’enrichir de publications techniques, dont Le Haut-Parleur, revue créée en 1925 et acquise dès les années 1960 par le groupe Ventillard. Le magazine est alors dirigé par Jean-Gabriel Poincignon. C’est la première revue française de vulgarisation de la technique électronique. On y trouve des descriptions détaillées permettant à tout un chacun de fabriquer des circuits électroniques.

Dans les années 1970, avec l’arrivée du transistor, le succès du Haut-Parleur est fulgurant. Le magazine compte jusqu’à sept-cents pages… aussi volumineux que le catalogue de La Redoute.

« Je suis arrivé pour renforcer le service pub, nous étions deux pour gérer Le Haut-Parleur. Dans les sept-cents pages du magazine, quatre-cents étaient de la publicité, une forme d’information naturelle à l’époque, dans laquelle les lecteurs pouvaient localiser les magasins pour acheter le matériel par exemple.
Au milieu des années 1970, j’ai commencé à voir arriver dans le magazine des informations sur les premiers effets de lumière, destinés à l’animation. Et j’ai senti que quelque chose bougeait. J’allais moi-même danser en discothèque, même si ce n’était pas du tout comme aujourd’hui, et je voyais bien que du matériel nouveau arrivait.
J’ai donc proposé à l’éditeur, Jean-Pierre Ventillard, d’imaginer une sous-édition du Haut-Parleur consacrée à la sonorisation. A l’époque, Le Haut-Parleur avait d’ailleurs des éditions à part qui s’appelaient Électronique Pratique, Vidéo Hi-Fi ou La Radiocommande. L’éditeur a accepté l’idée. Je me suis donc concentré pour trouver des clients dans ce domaine pour la publicité. En fait, le matériel ressemblait plus à de la hi-fi haut de gamme destinée à des musiciens qu’à de l’équipement professionnel. Mais ce premier numéro du Haut-Parleur spécial sono, publié en 1975, a été un succès.
J’ai alors proposé de lancer un périodique mensuel, ce que l’éditeur a accepté à condition que ce soit sous l’égide du Haut-Parleur. En janvier 1976, le premier Haut-Parleur SONO a vu le jour. Lorsque nous avons vu que la formule prenait, le nom du Haut-Parleur a été supprimé et SONO Magazine était né. »

Jean-Pierre Reiter

En 1947, les circuits électroniques décrits dans Le Haut-Parleur utilisent des lampes, mais le transistor sera inventé cette même année et permettra la démocratisation de l’électronique. Notez le folio de la page, 825…

N°1537 du Haut-Parleur, mais aussi le premier magazine à faire figurer la mention SONO et à se consacrer à 100% à la sono et la lumière pro. Nous sommes en janvier 1976.

SONO a un temps fait la part belle aux tests d’instruments de musique.

Qui dit sono dit musique, et des rubriques sur les instruments sont ajoutées au magazine ; les batteries, les guitares et les claviers numériques, qui commençaient à émerger. A l’instar de ceux réalisés pour le matériel électronique, de véritables bancs d’essai sont entrepris avec les instruments par des musiciens de renom.

« Lors d’un déplacement au salon de Francfort avec l’ensemble de l’équipe, nous avons eu l’idée de rendre indépendants ces contenus sur les instruments et avons proposé à notre retour à l’éditeur de publier des magazines dédiés sur les guitares, les batteries et les claviers », complète Jean-Pierre. « L’éditeur n’a pas souhaité le faire. Et dans les deux années qui ont suivi, d’autres éditeurs ont fondé Keyboard, Batterie magazine et Guitare magazine. Une occasion manquée d’avoir le monopole dans le domaine. »

Le nom du grand frère Le Haut-Parleur a disparu, SONO vole de ses propres ailes. Ce numéro date de novembre 1980.

Avec l’avènement de cette concurrence spécialisée, la partie instruments perd de l’importance dans SONO, mais un phénomène nouveau va largement compenser cela, l’explosion du phénomène des DJs à la fin des années 1970. Les besoins d’équipement sont énormes, en son comme en lumière, et SONO est là pour tester et présenter le matériel disponible.
Car s’il est bien une force de SONO Magazine, c’est la qualité des équipes rédigeant le contenu. Depuis l’origine, les tests et avis publiés font office de référence, en France mais aussi souvent dans le reste du monde. Certains fabricants font traduire les articles pour les transmettre aux services R & D et commercial.

« Il y a toujours eu des tentatives de la part d’autres éditeurs de publier des concurrents de SONO Magazine, que ce soit en papier ou maintenant sur le web. Mais chaque initiative a été vouée à l’échec », ajoute Jean-Pierre. « Réaliser un magazine de référence n’est pas à la portée du premier venu et demande de gros moyens humains et techniques. Et la dérive classique chez la concurrence était de faire preuve d’indulgence pour les produits des amis. Et ça, le lecteur s’en rend compte tout de suite. Chez SONO, que la marque soit cliente ou non en tant qu’annonceur, les tests sont absolument impartiaux. Cela a parfois coûté cher, avec des annulations de campagnes de pub, mais c’est le prix à payer pour être respectable. »

Avec la bascule vers le numérique, les années 1990 voient aussi le développement des moyens techniques en vue de concerts de plus en plus pharaoniques, comme avec Mylène Farmer ici en 1996.
La multiplication des discothèques et des Dj induit une explosion de l’offre de matériel. SONO teste les produits.
En novembre 2008, SONO Mag a trente ans et ouvre ses colonnes à une trentaine de personnalités qui ont fait l’histoire de nos métiers. Étienne Leméry figure à ce panthéon ; il a réalisé des centaines de bancs d’essais pour Le Haut-Parleur et SONO Mag depuis les années 1970.
400ème numéro pour SONO Mag, nous sommes en mai 2014 et les Rolling Stones reviennent en clin d’œil. Ils avaient « fait la couv » du premier SONO.
Dans les années 1990, Le Haut-Parleur souffre. De multiples magazines existent désormais chez le groupe Ventillard, issus de ses colonnes, comme SONO bien sûr, mais aussi Électronique pratique, Hi-Fi vidéo, Électronique Radio Plans ou encore Objectif Multimédia. La multiplication des revues a essoufflé le lectorat du Haut-Parleur. Mais surtout, pour le meilleur et pour le pire, la technologie s’est démocratisée et construire son matériel a moins de sens. Le dernier numéro du Haut-Parleur sera le 1873, il sort de l’imprimerie à l’été 1998. Suivront quelques numéros thématiques sous forme de dossiers, le dernier étant publié durant l’été 1999.

A la même époque, SONO Mag se développe, c’est l’âge d’or de la technologie du spectacle. En son comme en lumière, la plupart des avancées remarquables ont été imaginées dans les années 1990. Et SONO est là pour expliquer, rendre compte, tester le matériel, en un mot accompagner la génération qui se met en place et sera à l’origine de la plupart des sociétés de location et de prestation qui existent aujourd’hui.

En 2015, SONO Mag et RéalisaSon ont lié leur destin. Désormais, les univers du live, de la production et de l’installation, en son comme en lumière, se trouvent regroupés dans un même magazine bimédia, papier et web.
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