Des colonnes Meyer au théâtre Déjazet

par | 16 Mai 2022 | n°479, Reportage Son

CAL UP, STAND-UP

Sur les planches du théâtre Déjazet se sont posés des milliers pieds illustres appartenant aux plus grands comédiens et musiciens des trois derniers siècles. Depuis Mozart jusqu’à Coluche, le goût de l’impertinence ne faiblit pas et se manifeste aujourd’hui dans le stand-up, genre qui nécessite la sonorisation des comédiens. Le défi est relevé au Déjazet par Dushow grâce aux colonnes Meyer CAL64, discrètes et efficaces.

LE LIEU

Malgré ses apparences « à l’italienne », le théâtre Déjazet est en fait une salle de jeu de paume édifiée en 1770. Utilisé par la Comédie-Française pour tester ses représentations de manière plus intimiste, il fut l’opéra favori de Marie-Antoinette. Unique théâtre du « boulevard du crime » ayant échappé aux transformations haussmanniennes, il devint une salle de cinéma après-guerre avant d’être finalement dégradé en commerce.

En 1976, Jean Bouquin le réhabilite et en recrée la décoration à l’identique, initialement pour doter Coluche et sa clique d’un lieu de résidence. S’y succèdent depuis tous les grands noms de la chanson et du music-hall, au gré des modes et des saisons. Malgré ses 88 ans, le propriétaire des lieux accueille encore ses 540 spectateurs tous les soirs, avec cette gouaille d’antan qui nous rappelle que le drame et le rire sont intemporels.

L’INSTALLATION

Lorsque Thomas Ngijol se présente pour jouer au Déjazet il y a quelques mois, sa production s’aperçoit que la sonorisation du lieu (consacré essentiellement au théâtre pur) est insuffisante pour leurs besoins. Ils se tournent donc vers Gaétan Salmon pour apporter la solution.

Gaétan Salmon, chargé d’affaire chez Dushow : Le Dejazet est une configuration à l’italienne avec un tout petit cadre de scène, l’impossibilité structurelle d’accrocher des enceintes, et aucun endroit discret où poser son système. La réponse courante dans ce cas de figure est de venir croiser des enceintes depuis les extrémités avant des balcons, ce qui engendre pas mal de compromis. Nous sommes partis sur les colonnes CAL pour aboutir à un meilleur résultat.

Idéalement, nous aurions aimé répondre avec deux CAL32 par côté mais cela aurait nécessité de fabriquer un pont sur mesure pour monter la seconde à 1,20 m de hauteur. Trop long et trop cher. Nous avons donc préféré une CAL64 par côté, ce qui permet de faire quasiment aussi bien grâce à ses deux faisceaux configurables par DSP. Il est en effet possible de paramétrer deux faisceaux sonores indépendants, chacun pouvant aller de 5° à 30° d’ouverture, orientés verticalement de +30° à -30°. On a donc mis en place un premier faisceau sonore qui couvre le parterre et un second le premier balcon, le tout à partir d’une colonne posée sur le plateau.

Pour configurer ces dispersions, on trace tout simplement les lignes de couvertures souhaitées dans une vue de côté sur le logiciel Compass, qui calcule ensuite les traitements et génère les codes DSP. Puisque les CAL64 possèdent 64 transducteurs avec chacun leur DSP et leur ampli dédié, le résultat est bluffant en termes de mise en phase : tout est toujours parfaitement bien recalé. La contrepartie est un temps de calcul de l’ordre de dix minutes. Une fois la simulation installée, tout était déjà en place : notre seule égalisation a été de compenser les petites pertes d’aigus dues au tissu qui recouvre les colonnes.

En complément, on a utilisé deux UP4 en rappel sur les quatre derniers rangs du parterre, quatre MM4 en nez de scène et deux MM4 par côté pour déboucher le premier balcon. Enfin, l’ajout d’un sub 750-LFC par côté, au sol à l’extérieur du cadre, a été rendu nécessaire du fait que le spectacle commence et se termine par des plages musicales qui envoient du gros son.

À part la couverture acoustique, un autre intérêt des CAL est leur discrétion : une fois posées sur le plateau et recouvertes de tissu noir, elles deviennent quasiment invisibles. La sécurisation mécanique n’a pas été évidente toutefois, puisque le plateau est légèrement en pente et que les CAL ne disposent d’aucun accessoire de pose. Il faut préciser qu’elles ont été développées il y a plus de 15 ans pour le marché des églises, et que même si elles ont vite montré leur potentiel dans bien d’autres domaines, leur constructeur est resté fidèle à sa politique de ne plus modifier un produit une fois sorti. En attendant une hypothétique V2, chez Dushow, nous avons aménagé nos CAL pour permettre des accroches sur des structures scéniques et ainsi étendre leur champ d’application.

L’EXPLOITATION

Raphaël Maitrat, ingénieur du son pour Fabrice Eboué : C’est la première fois que nous jouons ici. Quand je suis venu faire la visite, je n’ai même pas vu les colonnes Meyer qui étaient en place tellement elles sont discrètes. Il y avait ce jour-là une débauche de petits line-array stackés, qui n’étaient là que pour le show musical du soir. Lorsque j’ai demandé au régisseur quelle était la sono du lieu, il m’a montré leur unique paire d’enceintes, très insuffisante. J’ai immédiatement appelé Gaétan, qui est mon référent technique, lequel m’a annoncé que tout était déjà en place depuis trois mois. Il m’a fait écouter et on a prolongé l’opération montée pour Thomas Ngijol.

Que cela soit en one-man-show ou dans les groupes de rap dont je m’occupe, les seuls jugements que je reçois de la part des gens sont de l’ordre de « c’était trop fort » ou « pas assez fort ». Pourtant les rares cas de demandes de remboursement surviennent toujours sur des questions de perte d’intelligibilité : cela constitue donc l’enjeu le plus important, sur la voix comme sur la musique, et c’est exactement ce que les CAL viennent apporter. À la régie, j’ai uniquement effectué deux points d’EQ légers à 150 et à 2 k, ce dernier pour adoucir les moments où Fabrice Eboué pousse très fort.

Je tourne depuis 13 ans avec Fabrice, ça a commencé à l’époque du Comedy Club et c’est d’ailleurs là que j’ai rencontré aussi Sexion d’Assaut et Black M. Au début, on tournait à deux dans la voiture et il jouait dans des lieux non sonorisés, ou sonorisés à l’arrache. Quand ça a pris de l’ampleur je suis passé à la façade, et plus d’une fois j’ai dû traverser le public pour venir sur le plateau dépanner un micro ou un retour… Au début il en a joué et puis c’est devenu lassant : on s’est dit alors que j’allais monter sur scène avec lui et depuis, je mixe dans un coin du plateau, face au public.

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