Dossier énergies : Biocarburants

par | 10 Mai 2024 | n°499, Reportage

Mythe ou solution ?

La notion de biocarburant et biocombustible regroupe l’ensemble des carburants et combustibles liquides, solides ou gazeux produits à partir de la biomasse, c’est-à-dire la matière organique pouvant devenir source d’énergie. Ils sont destinés à une valorisation énergétique dans les transports et pour le chauffage. Essayons d’en savoir un peu plus sur le sujet.

Tordons le cou en préambule à certaines idées reçues. Oui, il est possible de faire tourner un groupe électrogène avec des dérivés d’huile de friture usagée… mais pas longtemps ! De multiples cas de pannes aux conséquences plus ou moins graves pour les événements concernés pourraient être cités.
Cet exemple « extrême » n’a pour seul objectif que de permettre de réaliser que l’utilisation des biocarburants – l’huile de friture répond bien à la définition de biocarburant potentiel – ne peut se réaliser sans une conscience des règles de l’art, et présente des limites que chacun doit respecter.

Ainsi, les biocarburants sont-ils majoritairement utilisés sous forme d’additifs ou de compléments aux carburants fossiles traditionnels. L’incorporation de biocarburants est aujourd’hui plafonnée dans les carburants destinés au grand public.

Soulignons aussi l’ambiguïté du terme « biocarburant ». On pourrait croire qu’il s’agit d’un carburant issu d’une agriculture bio, ou écologique. Que nenni, le préfixe bio fait référence à la biomasse utilisée pour sa fabrication, laquelle peut être produite dans les pires conditions écologiques et humanitaires. Aussi est-il plus cohérent d’utiliser le terme d’agrocarburant.

Plusieurs filières

Les agrocarburants sont généralement incorporés dans les carburants d’origine fossile. Il existe deux grandes filières de production d’agrocarburants : de type « essence » et de type « gazole ».

Bio-essence

La filière agrocarburant « essence » comprend l’éthanol et son dérivé l’ETBE (éthyl tertio butyl éther) ainsi que les bio-essences de synthèse.

L’éthanol

La betterave à sucre et les céréales (blé, maïs) sont en France les principales ressources utilisées pour la production d’éthanol d’origine agricole, aussi appelé bioéthanol. Il peut être également obtenu avec des résidus vinicoles (marcs de raisin et lies de vin).
Les sucres contenus dans les plantes sucrières (betterave et canne à sucre) et les céréales sont transformés en alcool par un procédé de fermentation industrielle. L’alcool est ensuite distillé et déshydraté pour obtenir du bioéthanol.
Le bioéthanol est utilisé en France dans les essences distribuées à la pompe. On en compte 5 % dans le SP95-E5 et 10 % dans le SP95-E10.
L’usage du supercarburant SP95-E5 ne nécessite aucune adaptation du moteur et du véhicule. Le supercarburant SP95-E10 peut ne pas être compatible avec certains véhicules anciens du parc roulant en France (avant 2000).
Dans le carburant superéthanol E85 disponible depuis 2007, on retrouve entre 65 et 85 % d’éthanol. Le E85 ne s’utilise que dans des véhicules dédiés de type Flex Fuel, dont l’injection, les réglages du moteur et autres caractéristiques techniques ont été spécifiquement étudiées pour cet usage.
Il existe aussi du E95, 95 % d’éthanol donc, adapté aux véhicules diesel spécifiquement conçus pour cet usage.

L’ETBE (éthyl tertio butyl éther)

L’ETBE est fabriqué à partir d’éthanol d’origine agricole et d’isobutène, actuellement d’origine chimique. Il est incorporé dans les essences commerciales.
Historiquement, l’ETBE constitue la voie privilégiée car il pose moins de difficultés techniques à être incorporé que l’éthanol. Cependant, l’ETBE n’est qu’un composé d’origine partiellement renouvelable, à la différence du bioéthanol qui est 100 % d’origine renouvelable. Dans la comptabilisation des quantités de biocarburants incorporées, seule la part énergétique d’origine renouvelable, 37 % pour l’ETBE, est prise en compte.
De l’isobutène produit à partir de sucre devrait être prochainement mis sur le marché. L’ETBE issu de cet isobutène et d’éthanol permettra de réaliser un biocarburant plus vertueux.
Dans le SP95-E5, on peut trouver jusqu’à 15 % d’ETBE, jusqu’à 16 % dans le SP98 et 22 % pour le SP95-E10.

La bio-essence de synthèse

Elle peut notamment être obtenue par hydrotraitement d’huiles végétales (HVHTE) ou à partir d’un gaz de synthèse. Ce sont des processus industriels lourds opérés dans des unités de production du type raffineries et bio-raffineries.
La bio-essence de synthèse est totalement miscible à l’essence et peut être incorporée à hauteur de quelques pourcents.
Actuellement, cette bio-essence est très majoritairement produite à partir d’huile de palme (89 % en 2019). Comme chacun commence à le savoir, la culture des palmiers à grande échelle pour produire de l’huile de palme induit au quotidien des ravages écologiques et humains. Si elle peut être sémantiquement défendable, la notion de bio-essence a aussi, dans une habile pirouette de communication, tendance à masquer les dommages environnementaux induits par sa production, qui contribue à rendre notre planète un peu moins habitable chaque jour.

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