Dutronc & Dutronc

par | 31 Jan 2023 | n°486, Reportage Son

ON NOUS CACHE RIEN, ON NOUS DIT TOUT

L’aventure Dutronc & Dutronc a débuté le 14 avril 2022 au Casino de Paris, pour se poursuivre tout l’été sur les festivals. Après une courte pause, le temps de recharger les batteries, les deux artistes, leurs musiciens et toute l’équipe technique sont entrés à l’automne en résidence à Montpellier, pour revoir le programme, réajuster la playlist et aborder la dernière phase, la tournée des Zéniths.
C’est à cette occasion que nous les avons rencontrés.

Le premier concert au Casino de Paris fut une réussite totale et permit de donner le ton de cette tournée, qui se voulait conviviale et décontractée, à l’image des deux artistes et de leur complicité avec les musiciens et le public. Puis vint la période des festivals, le spectacle devant s’adapter aux programmations, avec des jauges beaucoup plus importantes et la suppression de titres acoustiques ainsi que de la séquence du bar, celui-ci étant relégué en fond de scène. Cette seconde étape franchie, c’est la tournée des zéniths qui a permis de revenir au format du début, même si les salles tournaient à pleine capacité. Alors comment rendre intimiste un spectacle diffusé pour une jauge de 5 000 places et faire en sorte que chaque spectateur ait l’impression de recevoir les Dutronc dans son salon ?
C‘est ce que nous allons voir avec Hubert Salou, ingénieur du son plutôt orienté studio, mais qui, au fil du temps, plus précisément depuis 2003, a ajouté une corde de plus à son arc en tenant la console de façade pour Laurent Voulzy, Alain Souchon et…Thomas Dutronc. Il a aussi travaillé avec Lenny Kravitz, Rihanna, Nolwenn Leroy, Rose, Bazbaz et Winston McAnuff. Et nous avons poursuivi la discussion avec Yann Lebigre, en charge des retours.

HUBERT SALOU : DU STUDIO À LA SCÈNE

Forts de l’expérience acquise sur la dernière tournée de Thomas (Frenchy), au répertoire un peu plus jazz, où Hubert Salou (façade) faisait déjà équipe avec Yann Lebigre (retours) sur des consoles DiGiCo plus anciennes, ils utilisent pour la tournée des Dutronc père et fils la dernière DiGiCo dite Quantum 338, sortie en 2021.

Hubert Salou : Ce qui m’intéressait sur les Quantum, c’est de disposer de trois bacs identiques. J’aime me positionner au milieu de la console, et placer dans le bac central un maximum de ce qui m’est nécessaire sous les doigts. Or c’est la seule console de cette marque avec laquelle je peux accéder aux réglages des tranches (et aux EQ) même au centre. Ce n’est pas possible avec les autres modèles. On peut voir les tranches mais pas accéder aux réglages, qui apparaissent sur les écrans des côtés, c’est moins pratique. La visibilité des écrans est nettement améliorée par rapport aux anciens modèles, et on dispose de deux EQ par tranche, et deux compresseurs, lesquels sont plutôt orientés émulation analogique.
Venant du studio, je n’ai jamais compris pourquoi, en live, il n’y avait pas toujours deux EQ sur les consoles. Car on en a besoin : Il y a le son qu’on prépare en préproduction, et ensuite il y a celui qu’on retouche par rapport aux salles. Avec une seule EQ on doit modifier le son de référence, alors que je trouve intéressant de pouvoir le conserver, et de retoucher par rapport aux salles avec la deuxième EQ, en retravaillant les fréquences sur certains instruments.
La préproduction pour cette dernière phase de la tournée m’a permis de prendre le temps d’affiner mes réglages. J’avais les plugs Soundgrid en Waves et j’ai demandé un pack un peu plus vintage avec ceux d’Abbey Road, dont le fameux compresseur TG, que j’ai au studio et que j’adore.

SONO Mag : Ton patch montre que tu mélanges des micros de studio à ceux généralement utilisés en sonorisation.
Quand on sait que les retours sont principalement en wedges, comment gères-tu le son avec un tel niveau sonore sur la scène ?

HS : Pour les écoutes des musiciens, tu pourras discuter avec mon co-équipier Yann Lebigre, en charge de la console retours. Lui aurait préféré ne travailler qu’avec des moniteurs In-ear.
Dans l’idée de produire un son un peu plus rétro, j’ai mélangé des micros traditionnels de sonorisation à des capteurs électrostatiques, et choisi des micros à ruban, notamment sur la batterie qui elle même est vintage. Je suis parti sur des micros Sontronics Delta-2. Je mets un de ces micros en overhead et en mono sur la batterie, et un second sur la grosse caisse fermée, car il y en a deux, une fermée et une ouverte. Au début, le réalisateur ne voulait qu’une seule grosse caisse fermée, mais c’était super compliqué à gérer en live, notamment dans les grandes salles,
avec des temps de réverbération de deux ou trois secondes.
Donc on a les deux options : grosse caisse fermée de petite taille pour les morceaux un peu jazz, et grosse ouverte pour les titres rock. J’ai essayé de rester dans le compromis, on fait du live, pas du studio, même si c’est mon univers, j’essaie de m’adapter.

SONO Mag : Pourtant, pendant les répétitions, tu écoutes sur les moniteurs de studio !

HS : Effectivement, et surtout pendant la période de résidence où l’on retravaille le répertoire pour les Zéniths, j’écoute sur des enceintes Mackie plus Sub, avec un rendu fréquentiel que je cale à l’écoute et ensuite, je vérifie sur la diffusion de salle.
Dès que le nouveau show est rodé, je me passe des enceintes. Mais ici à Montpellier, et généralement dans les zéniths, c’est tellement réverbérant que si je me fiais uniquement à la salle, je ferais du mauvais travail.
Je n’ai pas de périphériques analogiques, comme cela était arrivé sur une tournée Souchon où j’avais embarqué la moitié de mon studio ! Je reste minimaliste, j’utilise peu de délais, un slap-délai sur un morceau rockab, la TC-M6000 commandée en MIDI pour les changements de titres, les réverbes Plate Abbey Road que j’aime bien, notamment sur « Fort Chabrol »*, pour avoir le son Shadows. Et en sortie j’ai juste un VT-747, le compresseur à lampes Avalon-Designs.
La console permet d’enregistrer des sous-groupes, pour des mises à plat rapides. Je ne conserve qu’un ou deux snapshots par titre en essayant de rester assez brut pour garder un côté spontané.
J’essaie de servir la musique, j’aime sentir l’air qui compresse naturellement le son, sans sensation de retenue, même si ce n’est pas dans la tendance actuelle.

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