Étienne, Au revoir

Jeune ingénieur diplômé de l’ENSEA, Étienne a commencé dès 1972 à réaliser des bancs d’essais pour Le Haut-Parleur. Lorsque SONO est créé en 1976 par l’éditeur du Haut-Parleur, c’est tout naturellement qu’il devient un pilier de la rédaction, enchaînant les tests de matériel de sonorisation, d’électroniques diverses, d’instruments de musique… Vous pouvez retrouver sur le site www.sonomag.fr les deux premières années de SONO en accès libre, et la signature EL conclut bien des bancs d’essai et articles techniques.
Durant ses trente-deux années chez SONO, les milliers de tests qu’il a réalisés ont toujours été éminemment respectés, en France mais aussi à travers le monde, qu’il sillonnait au gré des salons où il partait dénicher les nouveautés.
Lorsqu’en 2007 s’annonce pour Étienne le temps de la retraite, j’ai eu la fierté, et la responsabilité, d’être recruté par la rédaction du magazine pour lui succéder à la réalisation des bancs d’essais d’électronique audio. Un véritable défi tant le personnage, figure tutélaire, comptait pour la profession. Nous ne nous connaissions pourtant pas, et l’équipe en place n’avait pas souhaité que nous nous rencontrions pour partager nos méthodes, savoir-faire et avis sur le mode opératoire des tests. Étienne avait pourtant accumulé une somme d’expérience sans égal, et au fil des années, créé de toutes pièces les outils nécessaires aux mesures, qu’il faisait évoluer au rythme des mutations fréquentes du matériel.
Lorsqu’en 2011 je suis devenu rédacteur en chef, nous avons commencé peu à peu à échanger, et j’ai naturellement proposé à Étienne de revenir chez SONO Mag réaliser certains bancs d’essai, dans les domaines de la HF et des amplis de puissance. J’ai eu alors le plaisir de partager au laboratoire et lors de voyages de nombreux moments passionnés et précieux.
Éric Moutot

Rédacteur en chef

J’ai encore le souvenir d’une visite d’usine chez Allen & Heath, à une époque où nous étions encore quelques-uns à représenter la presse technique en langue française. Étienne nous a littéralement raflé la vedette, les gens du R & D de la marque galloise lui posant des tas de questions sur sa manière de conduire ses tests, tant ceux-ci étaient précieux pour eux ! Soucieux du détail jusqu’à l’exaspération de son entourage, Étienne n’en était pas moins un grand amoureux de la musique rock et j’ai toujours en mémoire nos joutes oratoires sur tel ou tel musicien. Last but not least, il m’avait confectionné une tête artificielle avec une paire de petits micros Sony à condensateur, que je fixais avec des élastiques d’orthodontiste aux branches de mes lunettes, les capteurs étant cachés par mes cheveux. Reliés à mon magnétocassette TCD-5 Pro (que j’ai toujours), j’ai réalisé grâce à Étienne des enregistrements de concerts de rock à rendre jaloux les meilleurs bootleggers. S’il existe des geeks chez les anges, Étienne trouvera bien quelque chose à leur fabriquer !
Gisèle Clark

RéalisaSon

Étienne Lémery, c’est un nom que j’ai connu dès mon adolescence. Pas dans Sono, que je ne lisais pas encore ; mais sur un petit livre didactique publié par le magazine classique Diapason, consacré à la cassette audio. Je l’ai encore devant moi, sur mes rayonnages, j’y ai appris beaucoup de choses. Puis j’ai entendu un Lémery sur France Musique, mais là, il s’agissait de son frère, Denis.
Ce n’est qu’ensuite que j’ai reconnu la signature d’Étienne dans SONO. Quand j’ai commencé à écrire en 1994 dans Keyboards, nous nous sommes souvent retrouvés sur les mêmes opérations presse (qu’il abordait toujours avec, en tête, l’horaire du dernier train pour rentrer chez lui, au fin fond de la Seine-et-Marne). Et nous nous sommes immédiatement bien entendus, partageant par exemple un goût pour l’orgue classique, le son multicanal ou les synthétiseurs… Étienne n’a jamais touché au studio d’enregistrement, mais je suis convaincu qu’il aurait fait un directeur technique de premier plan.
D’une extrême gentillesse, il avait ses têtes, y compris parmi ses collègues de l’époque ou chez les importateurs audio. Techniquement, il valait mieux ne pas essayer de le rouler dans la farine. Certains s’en souviennent encore… Il avait l’art de trouver le truc de travers sur une carte électronique, le point passé sous silence dans une fiche technique ou une description, la fonction pas à sa place dans une hiérarchie de menu… Et il haïssait certaines expressions techniques passées dans le langage courant, comme « puissance RMS ». Le lancer là-dessus, c’était s’assurer un quart d’heure minimum d’exposé tension/intensité/racine carrée/mesure/impédance/charge résistive…
Et quand j’étais tenté « d’arrondir » un peu certains chiffres ou de simplifier une approche dans un dossier par exemple, le rédac’ chef de Home Studio me répondait « Non, non, je vais encore recevoir un coup de fil d’Étienne »… Qui n’a jamais hésité à m’appeler quand il trouvait que j’avais été un peu léger dans un de mes articles ! Mais toujours gentiment, le sourire n’excluant pas la fermeté.
À son départ en retraite, passionné comme il l’était, je ne le voyais pas rester éloigné de l’audio, ses maquettes télécommandées ne lui suffiraient pas. Quatre ans plus tard, lors du changement de propriétaire de SONO Mag, j’ai poussé avec insistance Étienne à contacter Éric (qu’il connaissait mal), puisqu’il trouvait à redire sur certaines méthodologies de bancs d’essai. Il a fallu quelques mois avant qu’il ne se décide, mais ces deux-là se sont parfaitement compris, et Étienne a vite réintégré les colonnes du magazine !
Je garde le souvenir d’un Étienne qui, lors du Pro Light and Sound de 2014 à Francfort, à plus de 70 ans, cavalait encore aussi bien que moi sur le salon, tout heureux de retrouver ses vieux potes anglais ou américains sur les stands et dans les allées. Une belle carrière, un exemple d’intégrité, et encore un ami parti trop tôt…
Franck Ernould

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