Éclairer le sens de l’œuvre
Contrastant avec les ors de l’Opéra de Lille, le décor de ce Falstaff, figurant un hôpital crasseux, fait le choix de l’épure. Les deux flancs et le fond mobile délimitent différents volumes. Réalisées en précipité rideau tiré, les translations entre les trois positions permettent de décliner plusieurs volumes scéniques. Aucune approche cathartique de la période Covid à lire là-dedans, l’ensemble a été imaginé avant la crise sanitaire. Créateur de la lumière du spectacle, Bertrand Couderc devait régler son éclairage précisément alors que le premier confinement a été décidé.
Bertrand collabore régulièrement depuis 2014 avec Éric Ruf et Christian Lacroix, respectivement scénographe et costumier du spectacle. Il connaît Denis Podalydès, le metteur en scène, depuis le milieu des années 1980. Denis était étudiant au conservatoire. Bertrand apprenait dans le même temps l’éclairage à l’école de la rue Blanche, devenue l’ENSAT. Certains travaux pratiques consistaient à éclairer les ateliers du conservatoire. Cependant, c’est le premier spectacle de Denis qu’il met en lumière.
Bertrand a travaillé pour des compagnies, puis au théâtre des Amandiers en tant qu’électro, éclairagiste et en régie, ainsi qu’à la Ferme du Buisson et sur des tournages. Depuis 25 ans, il se focalise sur la création lumière, principalement dans l’univers du spectacle lyrique, en France mais aussi à l’étranger. Allemagne, Autriche, Italie, Grande-Bretagne, ses collaborations l’ont même mené aux États-Unis. Une ouverture venue entre autres grâce à la visibilité internationale de 10 années de collaboration avec Patrice Chéreau.
SONO Mag : Comment commence le travail de l’éclairagiste sur un spectacle lyrique ?
Bertrand Couderc : Dans le cadre de Falstaff, le metteur en scène Denis Podalydès nous a communiqué des notes indiquant dans quel esprit il souhaitait voir le spectacle. Nous avons aussi eu des discussions à bâtons rompus sur le sujet, mais globalement, je parle assez peu avec le metteur en scène. Sa démarche est souvent suffisamment claire pour me permettre une lecture de l’intention de chaque scène. Je travaille un peu comme une éponge qui absorbe les émotions du plateau, issues aussi bien du jeu les artistes que de la mise en scène ou du décor et des costumes. Je vais ensuite les retraduire avec ma propre sensibilité, en essayant d’être juste dans mon récit de la lumière.
Ma création peut parfois être relativement indépendante en termes de temporalité. J’aime bien anticiper et jouer avec le spectateur en donnant des indices en amorce de ce qui va se passer.
Quant au décor, il nous est présenté avec un éclairage plein. Mon objectif est ensuite de dynamiter tout cela dans des variations sensibles, en dialogue avec la mise en scène.
SONO Mag : Justement, parle-nous du décor et de son rapport avec ta lumière.
B. C. : Nous sommes peu nombreux dans ce cas-là, mais j’adore les décors blancs. La lumière rebondit et crée une douceur. Je n’aime pas les contrastes trop forts, je débouche très souvent les ombres avec d’autres sources, pour garder un halo lumineux dans le décor. J’utilise en général peu de projecteurs, et j’ai une vraie passion pour les tubes fluorescents, aussi bien à la face qu’au cadre, en particulier les T5 de chez LDDE.
L’avant-scène est une zone stratégique en termes d’éclairage. Quatre Robe T2 sont installés par paire de part et d’autre de l’espace. Deux autres sont implantées en douche et ont un usage de wash. Ils sont installés sur une perche mobile, qui permet de les situer en dessous ou au-dessus du vélum est ainsi travailler la diffusion et les ombres.
Derrière les fenêtres, mais aussi en tant que velum, j’ai implanté des films translucides en Sinthylène, un matériau translucide assez lourd, qui permet de belles tombées. Le vélum est mobile,