SCÉNOGRAPHIE SIGNÉE JORDAN MAGNÉE
À en croire l’ambiance débridée qui règne au sein du public du Zénith de Dijon lors de notre venue, les fans de William Nzobazola, alias Ninho, étaient impatients de retrouver leur idole. En cette année 2022, la tournée « Jefe » enchaîne les Zéniths, et s’arrête aussi dans des salles plus vastes : Bercy, le stade de Lille ou encore la U Arena. Le succès de l’artiste auprès de son jeune public se devait d’être accompagné d’une scénographie à la hauteur de sa démesure.
C’est à Jordan Magnée que le projet artistique a été confié. Après des études en architecture réalisées à La Cambre de Bruxelles, Jordan, qui est belge, a souhaité par goût transposer ses compétences d’architecte vers les métiers de la scène.
Il part à Londres pour réaliser un master en scénographie numérique, durant lequel il se familiarise avec la vidéo, la lumière et bien d’autres aspects du spectacle. Il intègre ensuite All Access Design, un studio de création lumière où il officie en tant que directeur artistique pendant deux ans en développant l’aspect scénographique.
Quand Jordan décide de prendre son indépendance, il choisit de proposer le design complet de spectacles, scénographie, vidéo et lumière. Il collabore pour cela avec des personnes spécialisées dans l’un ou l’autre des domaines, dont il complète l’univers.
Il a déjà travaillé avec Izia, Pomme, Vitalic, Dutronc & Dutronc ou encore NTO, et c’est pour la tournée de Ninho que nous sommes allés le rencontrer. C’est la deuxième tournée qu’il réalise avec le rappeur, la première ayant été écourtée par l’épisode Covid. C’est d’ailleurs pour les deux dernières dates de la première tournée qu’a été conçu le décor de l’actuelle série de concerts.
Après la reprise à Bercy fin 2021, le « Jefe Tour » est sur la route en 2022 pour 20 dates dans les Zéniths plus l’U Arena et le stade de Lille.
SONO : À quel moment as-tu commencé à travailler sur ce projet ?
Jordan Magnée : Le brief a été fait deux petits mois avant le spectacle à Bercy, qui a inauguré la scénographie. C’est très court. Les artistes ont exprimé deux volontés, d’une part un vrai décor plutôt que des écrans LEDs avec des images, d’autre part la restitution réaliste de l’univers des cités.
Étant architecte, le projet m’a parlé assez vite. J’ai commencé à faire des recherches esthétiques, à réaliser des moodboards pour définir des possibilités de tableaux.
Il est vite devenu évident que la solution idéale constituait à réaliser un décor en volumes, qui mesure au final 16 m de large et 8 m de haut, et de le faire évoluer avec du vidéo mapping.
J’ai travaillé avec des blocs volumes, pour trouver les rapports d’échelle, et définir des espaces de jeu pour l’artiste.
J’ai par exemple disposé une zone en terrasse au dessus d’une représentation de garage, pour installer le DJ qui joue durant le concert. Il y a aussi de vrais escaliers qui permettent une circulation des artistes dans le décor.
J’ai aussi souhaité ajouter du mobilier caractéristique de ce type d’environnement, à savoir des paraboles ou des lampadaires.
Une partie des décors est mobile. La porte des garages pivote pour se transformer en kebab d’une part, en abribus d’autre part.
Le décor est constitué de volumes répartis sur la hauteur et la profondeur. Des éléments tels que les paraboles, hublots, grilles et rambardes, confortent le réalisme. Le vidéo mapping projeté dessine l’ambiance de chaque tableau.
Comment interviennent la vidéo et la lumière sur le décor ?
J. M. : La vidéo est prévue sous forme de mapping. Les images projetées permettent d’une part de faire voyager le spectateur dans différentes cités du monde, dans les favelas ou le Bronx par exemple, d’autre part de changer l’ambiance.
Le décor et la vidéoprojection constituent un ensemble très fort, et la lumière se positionne en tant qu’effet, qui n’intervient que pour appuyer des moments musicaux.
J’ai ainsi placé des ponts linéaires sur un grill, équipés avec des Mac Aura XB, des X4 Bar et des JDC. Je n’ai aucun spot sur ce spectacle, je voulais vraiment travailler en wash sur des aplats de couleurs pour obtenir des effets percutants.
J’ai aussi placé six totems latéraux, avec des luminaires surélevés à 3,6 m pour donner un effet lampadaire réaliste.
J’ai aussi disposé quelques contres pour faire ressortir les volumes du décor, ainsi que des strobes pour valoriser les plateformes ou encore l’abribus.
En fait, le kit lumière est assez simple et n’a pour but que de prolonger l’univers du décor sur l’ensemble de la scène.